La collection de la Ville d’Anvers est une initiative dynamique qui vise à faire prendre conscience de la diversité de la scène artistique contemporaine de la cité portuaire. Reflétant l’esprit de la ville en mouvement, elle présente des œuvres d’artistes locaux et internationaux, aussi bien des talents émergents que des valeurs établies. Bienvenue!

Mashid Mohadjerin

°1976
Lives in , BE
Born in Teheran, IR

Mashid Mohadjerin : protestations silencieuses

Mashid Mohadjerin est une journaliste photo irano-belge et une artiste plasticienne. Elle a terminé ses études à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers en 2002. Mohadjerin a reçu le premier prix World Press Photo 2009 dans la catégorie Contemporary Issues pour sa photo prise lors d’un reportage à Lampedusa en 2008, au cours duquel elle a voyagé avec les services de secours en Méditerranée. Elle a également remporté le prix International Photography Award et le Prix de La Photo.

En plus de portraits, Mohadjerin réalise surtout des essais photographiques pour son œuvre personnelle. Elle s’intéresse notamment aux questions d’identité et de condition humaine. Sa caméra immortalise le regard qu’elle pose sur des sujets tels que l’immigration, les minorités, le déplacement de personnes et les communautés en transition, allant de l’apartheid au Liban, de la traite des femmes en Europe de l’Est, à la culture des armes aux États-Unis et aux réfugiés en Libye, en passant par la vie des jeunes native Americans en Oklahoma. Mohadjerin a elle-même fui l’Iran avec sa famille quand elle était enfant pour venir s’établir en Belgique.

Ses sujets sont les thèmes qui la touchent. Elle déclare ceci à propos de De verworpenen der aarde [Les damnés de la terre] de l’écrivain martiniquais Frantz Fanon et des cicatrices psychologiques du colonialisme :  

« Il est possible de se demander si la présence d’un tel livre dans une société postcolonialiste reste pertinente. Mais dans les milieux artistiques et de gauche dans lesquels je me trouve, l’indignation est parfois devenue taboue. »

Son travail l’a fait voyager en Asie centrale, en Afrique de l’Ouest, au Moyen-Orient, en Europe et aux États-Unis. Il a notamment été publié dans The New York Times, The Wall Street Journal, Le Monde, de Standaard Magazine, De Volkskrant, BBC online, Médecins sans frontières, Oxfam, MO Magazine et Amnesty Journal. Mohadjerin a résidé à Bruxelles, Amsterdam et New York, mais est retournée en 2012 à Anvers. Elle donne des cours de photographie à Narafi (Luca School of Arts, Bruxelles) en tant que professeure invitée.

Entre 2013 et 2016, Mohadjerin a mené une recherche artistique à propos du rôle des femmes activistes au Moyen-Orient. Elle a notamment photographié des objets trouvés dans la rue après les protestations du Printemps arabe, comme un lance-pierres fait à la main dont l’élastique était cassé. Il s’agit d’un témoin silencieux du drame qui a eu lieu.

L’homme ou la femme occupe toujours une place centrale. Même s’il/elle n’apparaît pas à l’image et que seul un objet est visible comme les masques Protest painted black [Protestation peinte en noir] et Golden dictator [Dictateur doré] de 2013. Le premier est le masque souriant de manière sarcastique qui est connu comme symbole du collectif de pirates informatiques Anonymous. Il est présenté dans un contexte non occidental, peint en noir, avec une inscription en arabe contre les Frères Musulmans en Égypte. En face, Mohadjerin présente un masque doré du président al-Sisi, général de l’armée à l’époque des protestations, qui est devenu président en 2014. Les deux camps se sont approprié des images pour leur propagande. La limite entre les deux symboles devient intrigante et difficilement perceptible. Le masque noir a par exemple les yeux ouverts. Alors que le masque doré a les yeux fermés. Le soulèvement de l’homme ordinaire contre le régime. Des symboles conflictuels.

En 2016, elle publie sa recherche (KASK) dans le livre Lipstick & Gas Masks [Rouge à lèvres et masques à gaz]. Mohadjerin y expose ce qui restait après que la presse a quitté la scène. Elle crée des images qui supportent plutôt le regard lent d’un visiteur lorsqu’il reste debout et immobile lors d’une exposition. Dans tous les cas, il est plus lent que les images d’un journaliste photo dans le feu de l’action. Elle le décrit de la manière suivante :

« Je recherche de nouvelles formes de présentation et me concentre aujourd’hui beaucoup plus sur les images lentes qui peuvent être soumises à différentes interprétations. »

En 2019, elle a rédigé avec la journaliste Samira Bendadi le livre Textile as Resistance [Du textile en tant que résistance] (Hannibal). Il rassemble des histoires et des images à propos de la migration et du conflit. Toute l’histoire est liée au support textile, qui est souvent l’expression de l’identité des narrateurs impliqués et de leur résistance contre la discrimination, le conflit ou la transition au sein de laquelle ils se trouvent ou qu’ils sont forcés à adopter.

En 2021, la publication Freedom is Not Free  [La liberté n’est pas libre] est apparue. Il s’agit du résultat d’une recherche de doctorat menée à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers et à l’Université d’Anvers. Ce livre d’artiste se concentre sur le monde privé et public des femmes iraniennes qui ont grandi après la Révolution de 1979 et à des endroits symboliques issus de la jeunesse de Mohadjerin. Pour ces femmes, le côté politique ne peut plus être dissocié du caractère personnel (leur corps, leur vie privée) et la vie publique était et reste influencée par la révolution. Après ces publications, elle a organisé deux expositions au M HKA (Lipstick and Gas Masks et Freedom is not Free) sur le même sujet.

En 2023, elle a participé à une exposition individuelle à CC Strombeek avec le titre provocateur Catch Me if You Can [Arrête-moi si tu peux]. Trois vidéos reliées par une piste sonore immersive sont diffusées dans la cave du centre culturel. Elles s’inscrivent dans un projet à long terme et à plus grande échelle sur le sujet des rituels, de la résistance et du corps.

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