Hana Miletić
L’artiste croate Hana Miletic (1982, Zagreb) réside à Bruxelles et travaille aussi parfois à Zagreb. Elle étudie successivement l’histoire de l’art à la VUB et la photographie à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers. Dans sa pratique, Hana Miletić crée une interaction permanente entre la photographie et le tissage, par le biais de laquelle elle lie les deux supports à la fois d’un point de vue technique et conceptuel. Miletić enregistre des éléments de l’environnement affecté dans lequel on vit en prenant en compte leur écologie, leur histoire et leur résistance. De cette manière, elle confirme un intérêt égal envers la représentation, la reproduction et la production. Son approche empathique de la réalité affiche à la fois un caractère documentaire et activant.
Hana Miletic modélise son textile tissé à la main en fonction de ses propres photos, qui à leur tour se réfèrent aux failles et interactions sociales dans l’espace public. Elle utilise le processus de tissage, qui requiert beaucoup de temps et d’implication, comme contrepartie des tendances socio-économiques comme l’accélération et la standardisation. Elle considère le tissage minutieux et la reconstruction d’une image comme un geste d’attention et de réparation pour mener une réflexion à propos des questions sociales. Ses « réparations » dans l’espace urbain, par le biais de photos de rue d’une fenêtre cassée ou de réparation d’un rétroviseur de voiture endommagé, soulignent son engagement social. Dans ce sens, le résultat de son processus de tissage n’est pas uniquement artistique et matériel, mais aussi métaphorique. Elle crée aussi son textile tissé et tricoté à la main avec des tricots réutilisés qu’elle récolte et récupère ça et là.
En même temps, elle examine aussi l’histoire des nombreux types de tissus, de soies et de procédés de tissage, car ceux-ci ont rythmé (notamment via la migration) la vie de générations d’ouvriers et de couturières dans d’innombrables ateliers partout dans le monde pendant plusieurs siècles. En reconstruisant d’anciennes images du passé avec divers textiles, elle s’efforce de reconstruire une partie de l’histoire perdue, ce qui donne comme résultat des couvertures patchwork avec des couleurs et des modèles récurrents. Elle essaie ainsi de redonner au matériel utilisé son caractère tactile grâce à ses installations. C’est un travail à regarder qui est abstrait, mais l’objectif de l’artiste est de pouvoir aussi « ressentir » avec les yeux, car il ramène l’histoire à la vie.
Dans le prolongement de ce travail, elle a développé une activité de tissage à Bruxelles avec des ateliers communautaires de tissage. Cela lui permet de se connecter encore plus avec un métier qui est enraciné dans la généalogie féminine, alors que les implications sociales qui y sont associées apportent plus de clarté et d’affinité. En se concentrant sur les notions comme la pénurie, le dommage et les obstacles, elle recherche des manières sociales alternatives pour s’opposer aux coutumes et aux idéologies néfastes.