La collection de la Ville d’Anvers est une initiative dynamique qui vise à faire prendre conscience de la diversité de la scène artistique contemporaine de la cité portuaire. Reflétant l’esprit de la ville en mouvement, elle présente des œuvres d’artistes locaux et internationaux, aussi bien des talents émergents que des valeurs établies. Bienvenue!

Jonathan Meese

°1970
Born in Tokyo, JP
Lives in Berlijn, DE

Jonathan Meese est un peintre allemand né au Japon. Il est également un sculpteur et un performeur exubérant dont les installations peuvent être décrites comme un Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale). Meese a notamment étudié avec Franz Erhard Walther, Martin Kippenberger et Daniel Richter. Richter lui a permis de participer à sa première exposition. En Allemagne, il est considéré comme le successeur de Georg Baselitz et de Markus Lüpertz.

Meese produit des installations géantes, souvent des expositions folles de peintures, des sculptures, des jouets, des vidéos qui servent de scénographie pour ses performances dans lesquelles il joue le rôle de Meesias, dictateur, soldat, Dr. No et Humpty Dumpty, qui s’inspirent des figures connues comme Adolf Hitler, Wagner, Le Petit Chaperon rouge ou Klaus Kinski. L’intensité de ses provocations associée aux références notamment à Lolita, Freud, Barbarella ou Scarlett Johansson apporte à l’ensemble un caractère exorciste. Ce dernier élément est précisément ce que Meese a en tête lorsqu’il fait par exemple son salut de Meese, sa version propre du salut d’Hitler, pour lequel il a été poursuivi en justice à l’époque de sa performance à l’événement Megalomania in the Art World [La mégalomanie dans le monde de l’art] à Cassel et pour lequel il a été acquitté la même année.

Selon Meese, sa propension à la provocation dure exactement quelques secondes et il se vise généralement lui-même et sa crainte intérieure, sa gêne ou même son angoisse (pour le salut de Meese) d’une (ré)utilisation de certains éléments culturels. Si l’art l’appelle, Meese veut pouvoir jouer librement, comme un enfant qui ne veut pas être envoyé au coin par le coincé avec ses principes fondamentaux.

Pour son vingt-deuxième anniversaire, Meese ressemblait encore à un enfant de quatorze ans. Ses proches s’inquiétaient de savoir ce qu’ils pourraient bien faire de ce garçon. Quand il était enfant, il s’isolait déjà et le faisait généralement de son plein gré ou à la demande des autres. L’enfant a inventé son propre vocabulaire avec les grimaces et sons gutturaux qui lui sont propres. Il disait par exemple : « Bonjour et merci, je m’en vais. Je survivrai dans un autre monde. Bonne journée à vous. »

Meese plaide en faveur d’une dictature de l’art où la politique, l’idéologie et l’art deviennent un jeu pour nous affranchir des tabous et de toute éventuelle prise de pouvoir entraînant dans la réalité des morts. L’art a toujours survécu à tout dans l’histoire. L’art fait uniquement référence à lui-même selon Meese. Il est capable de libérer l’homme comme un jeu le ferait pour un enfant. L’art détruit la réalité de l’idéologie.

« Sans masque, nous sommes impuissants et vulnérables dans la relation avec la réalité et nous serions des esclaves de notre égo limité, nous ne serions que de simples “Mitläufer”. Sans masque, la réalité, à savoir l’idéologie, aspirerait toute notre puissance et nous changerait en suiveurs qui ont subi un lavage de cerveau, esclaves du mal et de la terreur. Les masques sont notre protection et notre instrument pour surmonter la réalité... »

Il est possible de retrouver la même intensité dans ses peintures. Elles s’apparentent à des variations figuratives de l’action painting, où Meese transmet son énergie comme s’il avait modelé la peinture sur la toile avec ses propres mains ou comme si un samouraï ne faisait qu’un avec son pinceau ou son tube de peinture. L’impulsivité de Meese se reflète dans ses peintures sous la forme d’une certaine infantilité dans le sens libre du terme. L’enfant lâche prise et fusionne avec le moment présent : Meese appelle cela l’autorité naturelle de l’art.

L’équilibre des couleurs et de la composition associé à des références textuelles, à des symboles et à des images souvent humoristiques de soi-même apporte un caractère affectueux. Sa mère a d’ailleurs toujours été son « sparring-partner » à cet égard. Avec son autorité naturelle, elle le pousse à continuer à rêver tout en lui donnant des avis critiques. Tout a commencé quand elle a découvert ce que son cadet voulait faire de sa vie aux alentours de son vingt-deuxième anniversaire. Meese explique à ce propos que c’est plutôt l’art qui l’a trouvé et pas le contraire. Depuis lors, il joue le jeu de l’enfant ou du bouffon, qui, après avoir vanté les mérites de l’art, n’hésite pas à ajouter peu de temps après que l’art est une « lasagne totale ». Pendant ses performances, le personnage représenté se comporte souvent comme un incapable, un abruti ou un imbécile maladroit, un dictateur qui ne sait pas toujours bien quoi faire et qui reste bloqué avec ses longs cheveux dans les différents éléments de ses œuvres d’art, qui ont été grossièrement empilés. Une figure d’autorité qui se ridiculise dans un décor tout aussi impressionnant qui est en réalité un campement démonté d’un enfant. Cette innocence organisée de manière chaotique représente souvent la provocation ultime de l’opinion publique.

L’auto-portrait joue le rôle de fil rouge à travers son œuvre. Tout comme les différents rôles, il démontre aussi toute l’étendue de son talent d’artiste, qui se réfère à la fois à l’art et à son histoire, et à la lutte destructrice qu’il mène contre son propre égo afin de remettre en question le caractère pompeux du monde de l’art. Il représente ici l’enfant qui est entouré d’un monde bruyant, un enfant qui veut continuer à jouer en permanence au milieu d’une accumulation croissante de déchets qui vise l’art personnellement et pas du tout la liberté. L’enfant n’a d’autre choix que de continuer à jouer, de persévérer dans la colère, indépendamment de tout ce contre lequel l’art s’oppose en raison des hypothèses à propos de comment cela devrait être. La langue, les titres et les citations apparaissent çà et là dans son œuvre. Ils sont peints en épaisses couches ou apparaissent sous la forme de graffiti ou de bulles de texte pliées sur la toile. Dans ses précédentes œuvres, un allemand archaïque était souvent utilisé. La satire n’était jamais bien loin. Cela faisait référence à ce qui l’intéressait.

« L’art est une question d’urgence et pas de volonté humaine. La société subit de plus en plus souvent un lavage de cerveau et se confond avec l’art. L’art se trouve à l’origine de presque tout ce que l’homme crée et souhaite. Il s’agit d’une super-substance chimique. Quelque chose qui a vu le jour pendant le Big Bang. Il est plus ancien que l’humanité. Il était là avant et restera après. L’art a modelé tous les mondes. Nous vivons dans son collage vivant duquel nous prenons ce dont nous avons besoin. »

Dans les entretiens, Meese indique à plusieurs reprises que l’art a survécu à toutes les dynasties, cultures, guerres et idéologies. Chaque idée ou renouvellement de n’importe quel domaine a également été déclenché par l’art. Il est capable de célébrer toutes les perversions de la réalité et de les neutraliser dans un Gesamtkunstwerk. C’est surtout cette libération que Meese essaie d’apporter à notre monde, une créativité actuelle déconnectée qui est la seule à pouvoir maîtriser l’avenir. 

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