Nadia Naveau
Luc Tuymans a sélectionné trois pièces comportant certains aspects baroques, non seulement sur le plan formel en tant que sculptures, mais également comme une indication de zone d’ombre ou de transition : des interprétations contemporaines avec un élément inversement antique. Modelées en argile ou coulées en plâtre, la force de ses œuvres réside toujours dans l’imagination. Elle utilise des bribes de références à un passé invisible, tandis qu’elle fait éclore de manière subtile un temps nouveau dans le matériau de la sculpture. Outre l’argile et le plâtre, elle utilise aussi la porcelaine, l’étain, le bois et même la pâte à modeler. La pluralité de sa pratique émerge toujours de la matière qui contribue à déterminer la force et le langage de l’image. Souvent, la matière s’émancipe dans le socle, qui est parfois intégré à l’œuvre, d’autre fois une composante autonome de l’installation. La façon dont elle ajoute de nouveaux éléments à la statue classique constitue une référence directe à la pratique de la « restauration visible » souvent appliquée à des sites archéologiques ou à des constructions historiques qu’il faut consolider. Des lacunes et des parties manquantes sont ainsi remplies de manière « aveugle » avec des matériaux divergents de sorte que l’intervention soit rendue visible et ajoute un critère de référence comme indication temporelle. L’artiste applique cette technique aux images et souvenirs les plus variés de son enfance. De petites sculptures blanches moulées vont de pair avec des portraits baroques modelés ou des animaux sculptés dans le bois. Son univers féerique est habité par un étrange brassage de soldats, de philosophes, d’astronautes et de personnages de bande dessinée, mais aussi d’animaux, d’esclaves et de damnés.
Texte: Hans Willemse
Traductions: Isabelle Grynberg